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PARTIE I

Les innombrables destins de Siegfried

LE CHEMIN DU DÉPART

La plaine calme aux fleurs d’ambroisie. C’était le lieu où tous les amoureux du royaume de Sanéterre se retrouvaient pour se promener et échanger leur premier baiser. L’atmosphère y était calme et apaisante, et lorsque le soleil berçait la plaine de sa lumière et se reflétait sur les fleurs blanches et mauves, on se croyait parfois au paradis.
Ce jour-là, Siegfried devait passer l’examen d’entrée à l’académie des guerriers du roi – examen aussi prestigieux qu’il était difficile – mais il avait choisi de se donner une autre épreuve en invitant la plus jolie fille de son école, Brunehilde, à faire une ballade en sa compagnie. Lui qui se destinait à devenir un brave chevalier du roi, prêt à se battre sans connaître la peur, se sentait pourtant bien nerveux en cette matinée printanière. Affronter un dragon rouge lui semblait plus facile que d’avouer son amour. La peur d’être rejeté par celle qu’il aimait tant faisait trembler ses mains.
Tout comme Siegfried, Brunehilde avait 15 ans. Sa longue chevelure d’or et son visage angélique lui valaient la réputation d’être l’une des plus jolies filles du village d’Abyss. Autour du cou, elle portait un pendentif bleu étincelant qu’elle appelait la « larme des dieux ». C’était son porte-bonheur, le talisman qu’elle serrait très fort pour lever toutes ses inquiétudes. Elle avait eu un temps des rêves de mariage avec un prince mais avait bien vite compris qu’une fille venue d’un village perdu et ayant pour père le boucher du comté n’avait pas la moindre chance d’épouser un noble, et encore moins un prince, quand bien même elle eût été la plus belle fille du royaume de Sanéterre. Elle appréciait Siegfried, la détermination de son regard. Il était grand et beau, portant un broigne de protection qui lui donnait l’apparence d’un chevalier. Tout comme elle, il rêvait de s’élever au-dessus de sa condition mais lui n’avait pas encore abandonné son rêve pour se plier au joug implacable de la mauvaise naissance.
Mais pour l’heure, sous les rayons frais du soleil du matin, tout cela n’avait plus d’importance. La seule chose qui comptait, c’était qu’il venait enfin de rassembler son courage pour prendre la main de celle qui faisait battre son cœur. Elle ne s’était pas débattue. Au contraire, elle lui avait souri tendrement. Ils marchèrent encore un peu sans rien dire, profitant de ce moment qui n’arrive qu’au tout début de l’amour, celui où toutes les issues sont incertaines mais où toutes les voies restent possibles, les meilleures comme les pires.
– Pourquoi veux-tu devenir chevalier ? demanda Brunehilde.
– Pour défendre le Royaume et les miens avec honneur, répondit le jeune homme. Les oracles prédisent que des créatures démoniaques tenteront un jour de détruire nos terres et ce jour-là je nous protégerai tous, j’en fais le serment sur mon épée Lumina.

Il sortit Lumina de son fourreau. L’épée semblait enveloppée d’un halo bleuté. Brunhilde la regarda, émerveillée par la beauté pure de la lame qui semblait avoir été forgée par les anges eux-mêmes.
– Elle est magnifique, reprit la jeune femme, et semble à même de terrasser n’importe quel démon qui souhaiterait envahir nos terres. Mais l’examen d’entrée des guerriers du roi demande davantage qu’un joli glaive. Rien que pour participer au tournoi, l’épreuve initiale demande de savoir déclencher une technique de très haut niveau. En es-tu seulement capable ?
– « L’éclair des rois »… soupira-t-il en rengainant son arme. Je n’ai encore jamais réussi cette attaque. Faire jaillir un éclair de son épée n’est pas chose aisée… Mais je sais qu’avec ton soutien j’y parviendrai cet après-midi.
– Avec mon soutien ? demanda-t-elle, surprise.
– Oui… car l’éclair des rois demande de la concentration, de la force et c’est toi qui m’en donne. Ton sourire, tes yeux, ta chevelure, ton parfum enivrant…

Brunehilde détourna les yeux d’un air gêné. Le jeune soldat resta silencieux un instant, comme s’il hésitait devant un obstacle trop dur à franchir, puis il se décida finalement à parler.
– La personne que je tiens tant à protéger, c’est toi. Tu es celle qui me transporte, qui me transcende. Un sourire de toi et je suis désarmé, un seul de tes cris et j’accours aussitôt, un baiser et je chavire dans les plus beaux paradis que les dieux pourraient inventer. Brunehilde, dans cette demande j’engage tout mon amour et mon honneur : souhaites-tu devenir ma femme ?

Il s’était agenouillé et tenait dans la paume de sa main un anneau d’or qui brillait de mille feux. Cependant la jeune femme ne leva pas les yeux. Au contraire, elle préféra se retourner et baisser encore la tête, tenant fermement son pendentif dont l’intérieur semblait tournoyer comme si un océan déchaîné se trouvait en son sein. L’instant devenait de plus en plus pesant à mesure qu’il durait. Dans ce silence, le vent qui heurtait les arbres semblait produire un vacarme assourdissant. Puis le silence laissa la place à la réponse aussi cinglante que redoutée : « non ».
Le choc fut violent pour Siegfried. Avant même d’avoir posé la question, il avait su que sa vie changerait, quelle qu’eût été la réponse. Mais il avait maintenant l’impression que sa vie changerait encore davantage selon sa réaction à ce rejet. Un nouveau cycle était sur le point de commencer…

(Cliquez sur votre choix)

• Siegfried tire à nouveau l’épée de son fourreau : le chemin sombre
• Siegfried reste silencieux.: le chemin neutre
• Siegfried insiste : le chemin du sauveur

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