Le chemin du sauveur

LE CHEMIN DU SAUVEUR

 Siegfried aimait Brunehilde depuis son enfance et il avait toujours senti un lien étrange mais fort entre eux, comme si le destin s’était posé sur leurs épaules il y a déjà de longues années. Ce refus était un violent coup au cœur pour le jeune chevalier mais il lui en fallait bien davantage pour abandonner l’amour qu’il poursuivait depuis qu’il avait levé les yeux sur elle pour la première fois. S’il avait senti là un vrai rejet, il n’aurait pas insisté et sacrifié son honneur pour le seul plaisir de se ridiculiser davantage. Mais certains signes ne trompaient pas : la jeune femme ne lui avait pas dit non en face et n’y avait pas mis une grande conviction. D’ailleurs, elle n’avait pas pris congé, elle était toujours là devant lui, semblant attendre quelque chose. Ces maigres indices lui firent reprendre confiance.

– Je te ferai changer d’avis Brunehilde, déclara Siegfried d’une voix pleine de conviction.
– Ah ? Et comment vas-tu y parvenir ? demanda la jeune femme en se retournant et en souriant à son prétendant d’un air taquin.
– Je deviendrai le plus puissant des chevaliers ! répondit-il en s’approchant pour lui prendre la main. Plus qu’un chevalier, je me ferai Dragooner !
– Les chasseurs de dragons des mythes et légendes ? demanda-t-elle, étonnée.
– Oui, les guerriers les plus puissants qui aient jamais existé. Ils ne faisaient pas que combattre les dragons, tu sais, ils chevauchaient ceux qu’ils avaient vaincus. Ce jour-là tu ne pourras plus me dire non, n’est-ce pas ?
– Qui dirait non à celui qui a un dragon pour monture ? dit-elle en souriant tendrement.

L’instant si froid s’était à nouveau réchauffé. Les fleurs d’ambroisie étaient toujours aussi belles, la plaine toujours aussi calme et la jeune femme devant lui toujours aussi séduisante. Il s’approcha d’elle et la saisit par la taille. Cette fois il ne demanda rien. Il ne voulait pas essuyer un nouvel échec. Il se pencha vers elle et l’embrassa tendrement. Brunehilde eut un léger sursaut dû à la surprise mais très vite elle ferma les yeux, profitant de ce tout premier baiser qu’elle aussi avait attendu depuis très longtemps. Ils se regardèrent longuement. Ce fut le moment que choisit la jeune fille pour donner un petit coup dans la jambe de Siegfried avant de s’enfuir.

– Alors grand chevalier ? dit-elle en riant. On ne sait pas bloquer les coups d’une jeune fille aussi frêle que moi ?
– Je ne peux parer ce que je ne saurais prévoir. C’était là une attaque bien fourbe et digne d’une femme ! répondit Siegfried en riant à son tour.
– Oh ! fit-elle en faisant semblant d’être choquée. Je vois que les guerriers sont toujours aussi goujats ! Attrape-moi donc si tu es si fort, Monsieur le futur Dragooner.

Elle s’éloigna en riant de plus belle et Siegfried la poursuivit. Il aurait voulu que leurs jeux amoureux durassent une éternité. Ils étaient seuls et rien d’autre ne comptait, rien d’autre n’existait. Jusqu’à cet éclair. Cet éclair noir qui illumina le ciel avant de l’obscurcir de nuages sombres. Au loin, un château sembla apparaître. Siegfried avait parcouru la plaine de long en large au cours de sa vie et jamais il n’avait aperçu de forteresse auparavant. Il leva les yeux et vit que l’éclair noir avait engendré une autre forme obscure dans le ciel. Cette forme sinistre s’approchait lentement, comme un danger aussi implacable qu’il était inéluctable.

Siegfried courut rejoindre Brunehilde qui était tombée au sol et semblait tétanisée par la peur. Il la prit dans ses bras pour la relever mais elle ne pouvait pas bouger.

– C’est la mort qui vient me chercher… murmura-t-elle apeurée.
– Je suis là pour te protéger, ne t’inquiète pas, répondit-il en tentant de la rassurer.
– Je le sens, continua-t-elle en serrant son talisman. J’ai la sensation que cette mort-là m’a déjà emportée par le passé. J’ai peur…

Elle se mit à pleurer sur l’épaule de Siegfried, serrant fort sa tête contre lui pour ne pas voir ce qui approchait. La silhouette sombre ressemblait à celle d’un grand oiseau volant dans les airs. Mais il ne s’agissait pas d’un oiseau. La forme sombre était celle d’un dragon noir et sur son dos se trouvait un homme dont le visage était masqué. Ils dégageaient une aura sinistre, comme si les esprits de centaines de morts les accompagnaient. Instinctivement, Siegfried dégaina son épée qui brillait d’une lumière intense comme pour contraster avec la noirceur ambiante. Le dragon atterrit et l’homme posa le pied au sol. Il était vêtu d’une longue robe noire de magicien et tenait un sceptre dans sa main gauche. Tout son corps était dissimulé sous son vêtement, y compris son visage perdu dans l’ombre de son capuchon. Même Lumina ne parvenait pas à éclairer des ténèbres aussi profondes.

– Je prends la fille, dit-il d’une voix d’outre-
– Plutôt mourir que de te la laisser ! répondit Siegfried en pointant son arme sur lui.
– Cette trainée mourra et elle mourra après de longues souffrances, rétorqua le sorcier d’une voix impassible.
– Qui es-tu ?
– Qui suis-je ? répéta l’homme masqué. Je suis ce qui reste quand la lumière a disparu. À présent écarte- Attaque, Gorelenoir !

Le dragon Gorelenoir cracha des flammes sombres sur le jeune couple. Siegfried fit tournoyer son épée pour créer une sorte d’écran de protection qui parvint à dévier le torrent de feu mais il fut projeté en arrière. Il se releva aussitôt et s’élança vers le sorcier pour le transpercer de sa lame. Le mage des ombres n’esquissa pas un geste. C’était inutile car une barrière mauve l’entourait et le protégeait de toute attaque directe. L’épée de Siegfried ricocha sur ce mur et le sorcier en profita pour invoquer de petites boules d’énergie qui allèrent exploser sur les bras et les jambes du jeune guerrier. Son corps meurtri et en sang ne pouvait plus se mouvoir aussi bien. Le sorcier ordonna à Gorelenoir de frapper Brunehilde. Le monstre s’approcha de la jeune fille dont le médaillon brillait intensément. Les yeux sombres de la créature la fixèrent longuement, sans esquisser le moindre mouvement. Le sorcier comprit que le dragon ne ferait rien et vint lui-même frapper violemment Brunehilde au ventre avec sa canne. Elle s’évanouit aussitôt sous le regard de Siegfried qui tentait péniblement de se relever sans y parvenir vraiment. Il put seulement les voir s’envoler en direction du château sombre avant de s’effondrer à nouveau au milieu des fleurs d’ambroisie.

Quelques minutes passèrent. Le calme était revenu sur la plaine et Siegfried sentit quelqu’un approcher et l’aider à se relever. C’était le berger Shepherd qui avait assisté à la scène et qui avait accouru pour l’aider, une fois le danger passé. Siegfried avait peu à peu recouvré ses esprits et quelques forces. Il voulait immédiatement secourir Brunehilde et demanda au berger de redescendre au village pour prévenir son frère. « Majdî a arrêté son entraînement pour pouvoir nous élever quand nos parents sont morts, mais c’est un excellent combattant. Préviens-le de ce qui se passe ici, il saura quoi faire. Pendant ce temps-là, j’irai sauver Brunehilde ».

Le berger tenta de le convaincre d’attendre des renforts mais le sorcier en voulait clairement à la vie de la jeune femme et, s’il ne l’avait pas tuée sur le coup, il avait bien indiqué qu’il comptait la faire souffrir avant. Pour Siegfried, il n’était pas question d’attendre une seconde de plus, il avait déjà perdu trop de temps à récupérer de ses blessures. Il s’élança aussi vite qu’il le put vers la forteresse sombre. La bâtisse était très imposante, donnant une impression de puissance mêlée de terreur. Ses murs étaient ornés de runes gigantesques et d’inscriptions que Siegfried ne parvenait pas à déchiffrer. La porte principale faisait plus de dix mètres de haut et ses poignées, trop hautes pour être atteintes, étaient façonnées en forme de gueules de dragon. La voix du sorcier se fit entendre : « bienvenue au château des reflets. Il n’y a rien ici pour toi, jeune sot. Juste le reflet de ton âme. Si tu es vraiment prêt à supporter de te voir dans le miroir, jusqu’à y perdre la raison, alors entre maintenant ».

Les portes gigantesques s’ouvrirent dans un lent grincement. Siegfried, ne prêtant pas vraiment attention aux paroles du sorcier, qui souhaitait visiblement l’effrayer, entra sans perdre un instant. Une légère brume régnait à l’intérieur, rendant les ombres plus terrifiantes qu’elles ne l’étaient vraiment. La pièce dans laquelle il se trouvait ressemblait à un temple. Siegfried examina les statues qui s’y trouvaient et recula soudain, pris par la peur et le dégoût. Elles étaient toutes à l’effigie de Brunehilde et la montraient subissant des supplices infernaux. Brunehilde gisant dans son sang, Brunehilde transpercée par une épée, Brunehilde dévorée par toutes sortes de monstres, il y avait des dizaines de représentations. Un immense tableau ornait également le mur du fond de la pièce et représentait une sorte de dieu de la mort avec ses cornes et une inscription en-dessous : « Morlov renaîtra et règnera sur le monde ».
Siegfried sentit une présence et serra fort son épée qu’il n’avait pas rangée depuis son entrée dans le château. Devant lui se tenait une forme humanoïde ressemblant vaguement à une femme. Elle avait la peau flétrie et les cheveux rougeâtres. Ses ongles semblaient comme des couteaux finement aiguisés et son front était orné d’un troisième œil qui bougeait dans tous les sens.

– Je n’ai pas de temps à perdre avec une créature aussi grotesque que toi, dit-il fermement.
– Pourquoi tiens-tu à la sauver ? demanda-t-elle alors.
– Pourquoi ? répéta Siegfried qui semblait surpris. Parce qu’elle est celle que j’aime et que même sans ça, je n’abandonnerais pas une femme à des êtres démoniaques comme vous.
– Démoniaques tu dis ? Il y a une certaine ironie quand tu traites mes compagnons de démons. Et ta volonté de sauver cette fille est assez ironique aussi, quand on sait qui tu es.
– Tu parles beaucoup, démone, mais les mots qui sortent de ta bouche ne sont que des absurdités.
– Oui, oui… soupira la créature. Le destin est quelque chose d’étrange n’est-ce pas ? On peut finir amis ou ennemis pour si peu de choses. On peut s’aimer toute une vie ou s’entretuer en quelques secondes. Tout cela est assez futile si l’on y pense bien. Ton amour pour Brunehilde est futile. N’as-tu pas une étrange impression de déjà-vu ?
– Qu’essaies-tu de faire, sorcière ?
– Peu importe, répondit- Tu ne te souviens jamais de rien, cela fait partie de ton charme… ou de ton destin… ou de ta malédiction, appelle cela comme tu voudras.
– Fais taire ta bouche de serpent et laisse-moi passer, dit-il en se mettant en position de combat.
– Ennemis donc… c’est presque toujours le cas… soupira la créature.

Sans ajouter un mot, elle se précipita sur Siegfried, tentant de le lacérer avant qu’il ne pût répliquer mais il bloqua l’attaque et répondit immédiatement en entaillant la hanche de son adversaire.

– Une démone comme toi ne peut rien faire contre le pouvoir de Lumina, affirma Siegfried d’un ton sûr.
– Une lumière si brillante est assurément un précieux allié… concéda la créature.

Le combat fit rage quelques instants mais Siegfried était le seul à toucher son adversaire. La créature tenta une attaque désespérée que le guerrier de lumière évita sans peine avant de lui transpercer le cœur. Elle essaya de dire un dernier mot mais sa blessure était trop profonde et elle disparut dans un tourbillon de fumée noire. Siegfried ne perdit pas une seconde pour pleurer la créature et poursuivit sa route dans le château qui ressemblait davantage à un labyrinthe. Au loin, il entendit les cris de Brunehilde qui l’appelait à l’aide. Il arriva en courant dans une nouvelle salle sombre dont les murs étaient ornés de lances, de haches et d’épées. Cependant, ces armes n’étaient pas posées à plat pour décorer, elles étaient au contraire encastrées dans les murs, avec leurs lames qui dépassaient et menaçaient tous ceux qui s’approcheraient trop de se faire embrocher. Au fond de la pièce, dans une cage en acier fermée à clé, se tenait une Brunehilde effrayée et légèrement blessée. Un peu de sang coulait de son front et son dos avait été entaillé.

Siegfried fut rassuré de la voir en vie mais il ne pouvait la regarder plus longtemps. Devant lui se tenait le dragon noir, haut d’au moins cinq mètres et prêt à attaquer avec toute la férocité dont il était capable. Gorelenoir avait une énorme cicatrice qui allait du front jusqu’au nez ce qui rassura presque Siegfried : il était visiblement possible de blesser la bête, même s’il préféra éviter d’imaginer ce qui avait pu advenir de celui qui avait osé entailler pareil animal.

Le dragon poussa un hurlement tonitruant qui fit trembler les murs. La puissance qui se dégageait de ce cri était telle que les oreilles de Siegfried se mirent à saigner légèrement. S’il souffrait à ce point, il n’osait même pas imaginer comment le corps frêle de sa bien-aimée pouvait résister à une telle puissance. Il fonça vers la bête pour la forcer à cesser son vacarme et à attaquer, ce qui lui permit d’esquiver et de lancer un violent coup d’épée dans le ventre du monstre. Celui-ci ne sentit pas la moindre égratignure et balança un coup de queue qui balaya Siegfried et l’envoya valser à quelques centimètres des lames sur le mur. Comment battre un tel monstre ? Sa peau était plus dure que le métal de Lumina, il semblait impossible de l’entailler. Le guerrier tourna autour du monstre, esquivant ses coups tout en cherchant une ouverture. Il savait que deux options existaient pour tuer un dragon : lui transpercer le cœur ou lui trancher la tête. Tout le reste était vain. Il contourna la bête et sauta sur son dos. Elle tenta de le renverser mais il parvint à frapper son cou, créant une entaille minuscule au niveau de la nuque épaisse de la créature sombre. Elle se retourna violemment, faisant basculer Siegfried en arrière. Il tomba au sol lourdement et lâcha son épée sous l’effet de la douleur. Désarmé, il ne put que croiser les bras devant son visage pour bloquer les flammes noires qui lui arrivaient dessus, bien qu’il fût conscient qu’une défense pareille était aussi désespérée qu’inutile. « C’est la fin » se dit-il. « Je ne pourrai même pas sauver la femme que j’aime, le destin est bien cruel ».

Alors que la Mort approchait à grands pas, son frère Majdî apparut soudain devant lui, deux épées à la main. Il les faisait tournoyer à grande vitesse, si bien qu’elles semblaient former un bouclier de protection. L’une des deux lames était celle de Lumina, qu’il avait ramassée avant de se précipiter au devant des flammes. Le souffle de Gorelenoir vint s’écraser sur ces écrans de protection et fut dévié vers les côtés. Majdî se retourna vers son frère et lui ordonna de se relever. « Que t’arrive-t-il, petit frère ? Un chevalier ne se laisse pas prendre son arme » lui dit-il en lui rendant Lumina. Il vit que Siegfried était abattu par son impuissance, par son incapacité à blesser la créature de l’ombre.

– L’éclair des rois, murmura Majdî. Si tu veux l’abattre, il faut que tu utilises cette technique.
– Je ne sais pas comment faire, je n’ai jamais réussi à maîtriser cette attaque, répondit Siegfried.
– Alors jette un dernier regard à Brunehilde, car nous allons tous mourir ici.

Majdî se prépara à utiliser l’une de ses propres techniques mais le dragon sembla anticiper le danger et lui asséna un violent coup de griffe à la cheville. « Avec cette blessure, je ne peux plus l’utiliser… comment as-tu su, vile créature ? » demanda Majdî en se tenant la jambe. Gorelenoir le regarda fixement mais ses yeux n’avaient pas la même agressivité que lorsqu’il se tournait vers Siegfried. Majdî avait du mal à se tenir sur sa jambe blessée et il se demandait pourquoi le dragon n’attaquait pas à nouveau, maintenant qu’il était une proie facile.

De son côté, Siegfried s’était éloigné, tremblant devant la force du monstre. Sans s’en rendre compte, il recula jusqu’à la cellule de Brunehilde qui en profita pour glisser ses doigts à travers les barreaux et saisir la main de son homme. La douce chaleur de la jeune femme ranima le courage de Siegfried qui la regarda longuement. Malgré ses blessures, elle souriait. Ses lèvres tendres murmurèrent quelques mots, ceux que Siegfried attendait pour pouvoir reprendre la bataille : « je savais que tu ne m’abandonnerais pas. Je savais que tu viendrais me sauver et je sais que tu le vaincras ». À peine avait-elle fini de parler que son pendentif se mit à briller d’une chaude lumière bleue qui entra en résonance avec Lumina. La « larme des dieux » semblait déverser une nouvelle force dans la lame de l’épée, qui s’illumina de plus belle. « Sois mon Dragooner » susurra la jeune femme.

Siegfried sentait le courage et la force revenir en lui. L’aura bleutée de son épée se mit à grandir au point que la lame semblait faire plusieurs mètres de haut. Il regarda le dragon qui se tenait à quelques pas de lui et fit un geste brusque de haut en bas avec son épée. L’aura se détacha de Lumina et fut projetée vers l’avant, formant une vague d’énergie redoutable, l’éclair des rois, qui lacéra la mâchoire de Gorelenoir et le fit tomber lourdement en arrière sous la poussée de l’impact. Siegfried ne lui laissa pas le temps de se relever. Il sauta aussi haut qu’il le put et attaqua en piqué pour transpercer le cœur du dragon. La lame s’enfonça profondément dans le monstre qui poussa un cri terrifiant de douleur avant de se taire pour l’éternité.

Dans le calme retrouvé du château maudit, une brise glaciale parcourut les couloirs. Quelques sons sinistres se firent entendre au loin, rappelant à tous que le sorcier était encore maître en sa demeure. Le bras de Siegfried restait profondément enfoncé dans le corps du dragon et il ne parvenait pas à ressortir son épée. Quelque chose semblait accrocher la lame, quelque chose qui n’était pas organique mais qui ressemblait plutôt à un autre morceau de métal. Majdî aida son frère à tirer en arrière et Siegfried parvint enfin à se dégager. La stupeur s’empara d’eux lorsqu’ils aperçurent ce qui était sorti du cœur de Gorelenoir : une épée noire comme la nuit et dont la lame était entourée de flammes sombres qui ne s’éteignaient pas. Siegfried ne put s’empêcher de lui trouver une ressemblance avec Lumina. Le crépitement de ces flammes sombres qui semblaient éternelles le fascinait. Il s’approcha de l’épée ténébreuse et s’en saisit, malgré les mises en garde de son frère. Les flammes sombres se mirent à tournoyer et à envelopper Siegfried qui ressentait une aura familière et inquiétante à la fois.

Soudain, la carcasse du dragon se désintégra, disparaissant dans une fumée sombre, et l’épée ténébreuse vola en éclat. Les particules de poussière qui en résultèrent se mirent à virevolter autour de Siegfried et les flammes noires qui l’entouraient changèrent de couleur pour devenir dorées. Une sensation de puissance se développait en lui à mesure que son corps absorbait la lumière d’or, dont une partie renforçait également Lumina. Un vent violent se leva dans la pièce et fit trembler le sol et les murs.

– Que t’arrive-t-il ? demanda Majdî, inquiet pour son frère.
– Je ne sais pas… répondit Siegfried qui était entouré d’une aura dorée. Je sens la force en moi. Une puissance que je n’avais jamais ressentie auparavant.

Siegfried donna un coup d’épée dans le vide en direction de la cellule de Brunehilde. Un éclair de lumière trancha les barreaux de la prison, libérant la jeune femme qui vint se jeter dans ses bras, les larmes aux yeux. Jamais elle n’avait douté de l’homme qu’elle aimait et c’est dans ses bras qu’elle voulait finir sa vie, protégée par cette lumière d’or qui s’était même propagée dans son pendentif.

Plus la lumière est intense, plus les ombres sont fortes. Ombre et lumière ne peuvent exister l’une sans l’autre. Alors que tout brillait dans la pièce où le dragon avait été terrassé, les ténèbres semblaient s’épaissir au fin fond du château, d’où l’on pouvait entendre les ricanements sinistres du sorcier. Siegfried voulut le poursuivre sans attendre mais Majdî s’interposa.

– C’est un piège, petit frère. On devrait retourner au village.
– Que dis-tu ? demanda Siegfried, surpris. Ce sorcier a osé blesser ma bien-aimée. Je ne peux pas le laisser s’en tirer comme ça.
– Regarde Brunehilde ! répondit Majdî. Elle est blessée, tu ne peux pas la laisser ainsi. Ne te laisse pas aveugler par la haine, le sorcier a perdu, il a échoué. Mais ce château… ce château ne m’inspire guère. Il est entièrement orné de runes sur ses murs extérieurs, des runes gigantesques. Il y a une magie puissante à l’œuvre ici. Par ailleurs, il n’y a jamais eu de château sur la plaine, comment est-il arrivé ici ?
– Je ressens aussi des choses mauvaises… intervint Brunehilde. Une aura sinistre enveloppe ces murs et emplit ces couloirs. Seule la mort règne ici. Je t’en prie mon amour, ne restons pas là, partons tant qu’il en est encore temps.
– Et laisser le sorcier s’en tirer ainsi ? objecta Siegfried.

Lui aussi sentait bien que quelque chose d’étrange se passait dans le château des reflets, quelque chose d’innommable, d’inavouable et de tragique. Mais la puissance lumineuse qui émanait de lui depuis la mort du dragon, comme s’il avait atteint sa plénitude, semblait également lui donner des ailes et une force inconnue jusqu’alors. Une force qui continuait de s’accumuler en lui, de couler dans ses veines jusqu’à l’enivrer. Une puissance qu’il voulait tester contre celui qui l’avait humilié quelques heures auparavant lorsqu’il avait enlevé sa bien-aimée, contre celui qui avait osé la blesser.

Pour le guerrier de lumière, dont la lame était plus brillante que jamais et dont la puissance continuait de croître à chaque seconde, un nouveau cycle se présentait, avec son lot d’incertitudes et de tragédies à venir.

  • Siegfried prend Brunehilde dans ses bras et décide de retourner au village : le chemin du héros
  • Siegfried décide de poursuivre le sorcier : le chemin de la force brute

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